Une période nouvelle
Avant la pandémie de Covid-19, le nombre d’étudiants en mobilité suivait une croissance continue attestant du développement du parcours d’études à l’international. Celui-ci était suivi par une part minoritaire mais de plus en plus importante de la population (+26 % d’étudiants mobiles entre 2014 et 2019).
Les restrictions de déplacements en 2020 et 2021 ont mis un coup d’arrêt à ce développement (+0,2 %). La période de rattrapage qui a suivi cette halte ouvre désormais sur une ère nouvelle pour la mobilité étudiante, et des tendances plus fragmentées se dégagent suivant les zones géographiques et les stratégies des différents pays.
Un rééquilibrage entre les principales destinations des étudiants
Au cours des cinq dernières années deux des quatre premières destinations des étudiants en mobilité ont connu une stagnation ou une baisse du nombre d’étudiants mobiles accueillis au profit d’autres destinations. C’est le cas des États-Unis, premier pays d’accueil, où le nombre d’étudiants a diminué de 15 % entre 2017 et 2022, et de l’Australie, deuxième destination des étudiants mobiles en 2019 et quatrième en 2022 dans lequel le nombre d’étudiants a stagné (0 % entre 2017 et 2022). Dans le même temps, et malgré les évènements précédemment évoqués, le Royaume-Uni, deuxième, et le Canada, sixième, ont renforcé leur politique d’internationalisation (avec respectivement 55 % et 60 % d’étudiants internationaux en plus entre 2017 et 2022), tandis que l’Allemagne, devenant pour la première fois troisième pays d’accueil, retirait les bénéfices de la constance de sa politique d’accueil (+56 % sur la période).
La France semble, elle, se situer entre ces deux groupes de pays. Septième destination des étudiants mobiles, elle a connu une augmentation de 21 % du nombre d’étudiants accueillis sur la même période, et si elle réduit un peu l’écart avec les deux anciennes premières destinations, elle peine à s’accrocher au wagon des pays les plus attractifs.
Des explications multiples
Plusieurs explications à ces évolutions opposées peuvent être avancées. Aux États-Unis, avant même la pandémie, l’accueil d’étudiants internationaux s’essoufflait (1 % d’augmentation annuelle des effectifs accueillis en 2017, 0 % en 2018, -1 % en 2019, -2 % en 2020). La perte d’attractivité des États-Unis date donc d’avant la pandémie et s’explique entre 2016 et 2020 par une politique d’accueil plus restrictive sur l’immigration qui a aussi touché la population étudiante. Cette tendance se renforce avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir et le pays entre début 2025 dans une nouvelle période d’incertitude pour l’accueil des étudiants internationaux et pour les milieux scientifiques.
En Australie, la stagnation des effectifs a pour origine la fermeture des frontières pendant la pandémie, suite à laquelle le pays a pris des mesures d’ajustement de sa mobilité. En effet, le pays accueillait en 2017, 34 % d’étudiants chinois, soit un tiers des effectifs d’étudiants internationaux, part qu’elle a souhaité rééquilibrer pour plus d’autonomie. En 2022, plus qu’un quart des étudiants en mobilité dans le pays était d’origine chinoise (24 %). De plus, le gouvernement australien a souhaité mieux sélectionner les étudiants entrants, notamment en fonction des formations et niveaux suivis, limitant notamment la part des étudiants suivant des formations courtes du supérieur qui était devenue très importante. Enfin, le gouvernement a limité les possibilités de séjour post-études des étudiants étrangers dans le pays. Cet ensemble de mesures limite, au moins transitoirement l’attractivité de l’Australie, le nombre d’étudiants accueillis demeurant en faible progression au cours de la dernière année (+1 % en 2022).
Des pays toujours plus attractifs
À l’inverse, les pays qui connaissent une croissance plus dynamique du nombre d’étudiants accueillis sont ceux qui ont adopté des mesures proactives pour faciliter la venue des étudiants. Le succès du Royaume-Uni, de l’Allemagne et du Canada s’explique par plusieurs facteurs. L’ouverture de ces pays aux étudiants internationaux, traduite par le choix de délivrer des visas à un nombre croissant d’étudiants dont une part conséquente à vocation à rester dans le pays a joué un rôle notable. Le Canada et le Royaume-Uni ont ainsi offert des conditions de séjour post-études parmi les plus avantageuses aux étudiants en mobilité dans le monde – une situation déjà en train de changer, face à la montée de concurrents comme l’Allemagne, qui est, avec l’Irlande et l’Estonie, le pays le mieux-disant au sein de l’Union européenne. Ces trois derniers pays offrent des formations attractives, disponibles en anglais, dans des filières valorisées (ingénierie, commerce) et sont bien positionnés dans les classements internationaux. Ils profitent également de leur attractivité pour procéder à une sélection des candidats qui leur offrent les meilleures garanties de résultats et de visibilité.
La France à un carrefour
La France accueille elle aussi un nombre croissant d’étudiants internationaux, mais cette augmentation est inférieure à la moyenne mondiale. Le nombre d’étudiants étrangers en France en 2023-2024 a ainsi crû de 4 % en un an et de 17 % en cinq ans. Cela porte le total à 430 000 étudiants étrangers accueillis dans l’enseignement supérieur français, un nombre cohérent avec l’objectif de la stratégie Bienvenue en France d’atteindre 500 000 étudiants étrangers inscrits dans l’ESR français en 2027. Ce sont avant tout les étudiants d’origine subsaharienne (+34 % en cinq ans) et européenne (+21 %) qui permettent de rester en ligne avec cet objectif. Mais dans un certain nombre de pays francophones, dont la mobilité est pour une large tournée vers la France, celle-ci se trouve en concurrence forte avec des pays comme le Canada et l’Allemagne, notamment pour les sciences fondamentales. Les contingents originaires des autres régions sont certes en croissance au cours des cinq dernières années mais avec une ampleur plus modérée pour l’Asie (+3 %), les Amériques (+5 %) et l’Afrique du Nord-Moyen-Orient (+14 %).
Les principaux pays d’origine des étudiants étrangers en France en 2023-2024 demeurent, eux, inchangés : Maroc, Algérie, Chine, Italie et Sénégal. Le nombre d’étudiants chinois accueillis en France augmente de nouveau, ce qui n’était plus arrivé depuis 2019-2020. À l’inverse, le nombre d’étudiants marocains en France fléchit en 2023-2024 pour la deuxième année consécutive (-4 %) mais le Maroc demeure le premier pays d’origine des étudiants étrangers en France. L’Algérie, troisième pays d’origine des étudiants étrangers connaît une chute du nombre de visas délivrés pour études en 2024 (-23 % par rapport à 2023), ce qui présage d’un tassement des inscriptions d’étudiants algériens dans l’enseignement supérieur français en 2024-2025.
La France compte, avec l’Allemagne, parmi les pays accueillant des étudiants d’une grande diversité d’origines, dans des proportions relativement équilibrées. Aucune nationalité ne représente plus de 10 % des origines des étudiants étrangers en France. Le pays demeure ouvert à plusieurs régions du monde : l’Afrique du Nord-Moyen-Orient regroupe les origines d’un peu plus d’un quart des origines des étudiants étrangers en France (28 %), un autre quart est originaire d’Europe (25 %), un quart vient d’Afrique subsaharienne (25 %), 13 % viennent d’Asie-Océanie et 8 % des Amériques.
Les universités accueillent la majorité des étudiants étrangers en France (63 % en 2023-2024, -1 point par rapport à l’année précédente) mais cette part s’érode peu à peu tandis que les écoles de commerce gagnent du terrain (15 %, +1 point), suivies par les écoles d’ingénieurs (8 %, +1 point).
Dans les universités françaises, les étudiants étrangers sont majoritairement inscrits en licence (52 %), puis en master (40 %) et en doctorat (8 %). Les sciences fondamentales sont les disciplines les plus suivies à l’université, avec un tiers des étudiants étrangers dans ces filières (33 %), devant les sciences humaines et sociales, les lettres et langues (30 %) et les sciences économiques (17 %).
L’accueil d’étudiants étrangers en France permet également aux Français , par réciprocité, de partir en mobilité dans de très nombreux pays. Ils étaient près de 114 000 en 2022 soit 20 % de plus que cinq ans auparavant. La France est ainsi le septième pays d’origine des étudiants en mobilité diplômante dans le monde et le premier pays d’origine des étudiants en mobilité Erasmus+.
Campus France — chiffres clés 2025