Chiffres clés - Mobilité étudiante dans le monde

Partagez

Donatienne Hissard

Éditorial « La pandémie a bousculé certaines trajectoires, mais pas toutes »

Donatienne Hissard

— Directrice générale de Campus France

Comme chaque année, Campus France livre cet état des lieux annuel de la mobilité mondiale des étudiants. Deux ans après la pandémie, il reste difficile de se faire une idée chiffrée et documentée des recompositions engendrées par la crise. La difficulté à produire des statistiques mondiales ou nationales en temps réel, le décalage dans les années universitaires, les différences (voire les divergences) méthodologiques continuent de rendre malaisée la lecture de tendances. En apparence, dans une course de semi-fond qui opposait des compétiteurs rapides, chacun dans leur couloir, la pandémie a bousculé certaines trajectoires, mais pas toutes. Ces chiffres contredisent quelque peu l’expérience des praticiens, tant à Campus France que dans le réseau de coopération, selon laquelle tous nos compétiteurs ont été impactés, certains durement, mais connaissent depuis 2021 une reprise tout aussi foudroyante que nous.

Comment cette édition 2023 peut-elle nous aider, si ce n’est à nous projeter sur le long terme, en tous les cas à retrouver quelques appuis après la crise ? 

Commençons par l’Asie, première zone d’origine des étudiants mobiles et donc première zone à suivre en matière de prospective : même si les données mondiales, issues de la collecte UNESCO, nous renseignent sur 2020 et donc n’intègrent qu’un début d’impact Covid, d’autres indicateurs laissent à penser qu’un pic de la mobilité sortante en provenance de Chine, premier contingent étudiant du monde, a été atteint en 2020. Dans le même temps, l’Inde suit une trajectoire de fort rebond, avec une reprise de la mobilité sortante, suscitant une attention soutenue du côté des grands pays d’accueil, à commencer par la France qui a annoncé d’ambitieux objectifs en matière d’accueil des étudiants indiens (20 000 en 2025). À plus long terme encore, les chiffres Unesco nous invitent à garder en tête l’enjeu démographique majeur de la zone Afrique subsaharienne, où la population étudiante, déjà plus mobile que la moyenne mondiale, va bondir à l’horizon 2050. C’est une perspective favorable pour l’Europe, et notamment pour la France, qui conforte, nous apprennent les dernières données, sa place de première destination des étudiants subsahariens. Ces Chiffres clés 2023 placent aussi notre pays pour la première fois en première position des destinations des étudiants de la zone Afrique du Nord - Moyen Orient, dépassant ainsi les États-Unis.

Parmi les pays d’accueil, difficile là aussi de tirer le bilan de la pandémie, les chiffres se limitant à 2020. Mais il faut noter un changement de taille sur le podium puisque le Royaume-Uni devance l’Australie, tandis que les leaders du classement, les États-Unis, demeurent le plus grand pays d’accueil au monde, mais affichent une croissance nettement moins rapide que la moyenne (+6% sur cinq ans).

La France, à la 6e place mondiale, poursuit en 2020 sa croissance soutenue (+22% sur cinq ans). Les derniers chiffres en notre possession permettent d’annoncer que cette tendance positive va se maintenir : grâce à une reprise marquée de la mobilité vers la France (+8% sur un an), le cap des 400 000 étudiants de nationalité étrangère inscrits dans l’enseignement supérieur français en 2021-2022 est franchi. Une nette reprise des mobilités d’échange (+46% en un an), pour beaucoup ajournées en contexte de pandémie, mais aussi un développement de la mobilité diplômante (+6%) contribuent à expliquer cette hausse record. Avec plus de 105 000 visas long séjour pour études et stages délivrés en 20221, la France, grâce à ses diplômes reconnus dans le monde entier, sa qualité et son cadre de vie, réaffirme sa place comme destination de choix pour les étudiants internationaux.

« La France, grâce à ses diplômes reconnus dans le monde entier, sa qualité et son cadre de vie, réaffirme sa place comme destination de choix pour les étudiants internationaux. »

S’il faut se féliciter de cette reprise, la tendance générale masque quelques évolutions moins favorables. À commencer par le fait que cette croissance française (22%) demeure moins rapide que la moyenne mondiale de 32%. Dans le détail, la mobilité vers la France depuis la Chine et le Vietnam, respectivement 1er et 3e pays d’origine de la mobilité mondiale, est en légère baisse sur cinq ans, mais la mobilité depuis l’Inde – 2e pays d’origine dans le monde – progresse de 92%. La France devient la 4e nation mondiale pour l’accueil des doctorants internationaux, devancée par l’Allemagne, qui prend également la 2e place pour l’accueil des étudiants en mobilité Erasmus+.

Au final, s’il est une leçon – peut-être la seule – que l’on peut d’ores et déjà tirer de cette crise de la Covid, c’est celle qu’elle nous a apprise, bien malgré nous, en matière de gestion de crise. L’impact de la pandémie, les chiffres en attestent, a été très atténué par le volontarisme de la France à rester ouverte aux mobilités. Il a aussi un effet de long terme, qui est de nous avoir préparés à d’autres crises et aux mobilités qui en découlent, à commencer par la guerre en Ukraine, qui a exigé que l’on déploie à nouveau la même réactivité, et la même ouverture, pour accueillir 2 000 étudiants ukrainiens, leur fournissant ainsi un refuge académique en France. Dans le même temps, les autres crises, en Afghanistan, en Syrie, au Liban, et depuis peu en Iran, ne connaissent pas de trêve. Cette édition des Chiffres clés met aussi en lumière les mobilités liées à ces situations.

Les réponses que ces crises appellent dépassent le cadre national. Dans ce contexte, l’UE fait figure d’espace de stabilité et de développement, autour de valeurs démocratiques, sociales et académiques partagées. Comme Campus France l’a récemment affirmé, dans une déclaration conjointe avec ses homologues européens, « face à un monde de plus en plus instable, il n’a jamais été aussi important de soutenir l’enseignement supérieur dans le monde. Nos organisations estiment que l’enseignement supérieur est essentiel au développement pacifique et prospère des sociétés et qu’il joue un rôle important dans la prévention et l’atténuation des conflits. Par conséquent, dans les situations d’urgence, l’enseignement supérieur, dans sa capacité à proposer des opportunités aux jeunes déplacés ou touchés par les crises, est crucial pour éviter les « générations perdues », générer de meilleurs moyens de subsistance, maintenir la Bildung, favoriser l’espoir, donner des perspectives et soutenir la (re)construction future des sociétés. »2

1 https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/L-actu-immigration/Les-chiffres-2022-publication-annuelle-parue-le-26-janvier-2023

2 https://www.campusfrance.org/fr/actu/l-enseignement-superieur-face-aux-situations-d-urgence-ne-laissons-personne-de-cote - « L’enseignement supérieur face aux situations d’urgence : ne laissons personne de côté », Déclaration conjointe de Campus France, DAAD (Allemagne) et Nuffic (Pays-Bas), 24 février 2023

Campus France — chiffres clés 2025